Mas de Doucet (1996-1999)

Client

Habitation personnelle

Superficie

150 m2 habitables – 9 Ha de terrain & bois

Situation

Brengues (Quercy – France)

Période

1996 – 1999

A partir d’une maison élémentaire agrandie d’une pièce sans doute vers la fin du 17e siècle ou le tout début du 18e, puis abandonnée pendant un demi-siècle, est née une restauration exemplaire respectant en tous points l’architecture d’origine.
Le prix René Fontaine a récompensé cette renaissance.

Une ferme dans le parc naturel régional
Le PNR des Causses du Quercy est un territoire classé d’une richesse remarquable (97 communes, 24 000 habitants) ; la nature, la faune, la flore et l’habitat sont aujourd’hui protégés.
Cette ferme en altitude, entourée d’arbres, au sommet d’un causse boisé, est un bel exemple d’habitat caussenard antérieur au 19è siècle, donc rare et fragile. La maison a failli disparaître à tout jamais, il a fallu un coup de cœur pour que commence une lente résurrection.
La construction en moellons calcaires, implantée directement sur la roche qui partout affleure, était constituée d’une salle à vivre et d’une chambre (l’agrandissement) avec une cheminée dans chaque pièce, une vaste souillarde (la cuisine voûtée quercynoise) appelée encore localement farayère, un four à pain avec son fournil et le traditionnel pigeonnier, inséparable de la vie rurale.
Quelques éléments étaient sur ce site, exceptionnels, comme la belle citerne en pierre, particulièrement importante pour une maison d’apparence modeste, le potager, encadré de murets de pierre sèche, et la rotonde de buis, ancien chemin communal.
L’ensemble témoigne d’un habitat fonctionnel, parfaitement adapté au terrain et au climat (l’orientation sud-sud-est fait par exemple bénéficier la façade de la bonne lumière du matin).

Une approche méthodique

Une fois le toit disparu, toute maison meurt et retourne graduellement à la nature livrée à elle-même. Après cinquante ans d’abandon il ne restait ici que des murs épais de 70 cm, rabaissés par l’écroulement des charpentes, un pignon étoffé de quelques rangées de lauzes témoins, quelques sablières, des fermes effondrées et une lucarne basse en phase finale d’anéantissement. L’intérieur n’était qu’un amas inextricable de bois pourri et de buissons habité par la faune du causse. Le silence était tombé sur ce lieu remarquable dans sa simplicité. Un de ces lieux magiques dont le charme s’évanouit naturellement dès qu’on y touche.

Dans un premier temps, il a fallu avant de détruire quoi que ce soit adopter une méthode rigoureuse pour dégager et nettoyer la ruine, prendre des photos et analyser tout ce qui était repérable.
Un tri de tout ce qui peut être récupéré dans une ruine permet de prendre des mesures (les sections de bois par exemple) et de faire des relevés afin de respecter les proportions subtiles qui font ce charme impondérable des maisons rurales anciennes. La précipitation pour nettoyer et faire place nette fait perdre beaucoup de ces traces imperceptibles qui s’avèrent plus tard riches d’informations.

Une restauration précise et délicate

D’après le reliquat de lauzes encore accrochées au pignon, la couverture devait être à l’origine en lauzes calcaires et le toit celtique ; toutefois étant donné le coût astronomique des lauzes toujours en augmentation (par surenchère des prix et manque de carrières exploitées) se situant entre 1 700 et 2 000 F le m:, la couverture a été refaite en tuiles plates anciennes de récupération avec une bordure de lauzes.
L’unité de matériaux a été conservée : du bois de chêne pour les fermes de la charpente laissée apparente dans les combles, de la terre cuite ancienne pour les sols, une finition à la chaux pour les murs.

Double charpente

L’architecte a adopté le principe de la double charpente pour obtenir une isolation parfaite : de l’intérieur vers l’extérieur, d’abord des fermes apparentes en chêne et de larges voliges en peuplier, puis une seconde charpente en peuplier portant l’isolation, enfin les liteaux et la couverture. Le toit a été ainsi rehaussé de 12 cm mais cette modification est en réalité imperceptible au regard. Les lucarnes si délicatement proportionnées ont été refaites à l’identique et la souche de cheminée sur le toit est bien assise, sans maigreur ni hauteur excessive.

Planchers et revêtements

Grâce aux relevés, les planchers ont pu être reconstitués avec des solives de mêmes dimensions. Un parquet ancien, constitué de larges planches de récupération, a été posé dans les combles aménagés, exception faite de la partie sanitaire et de la chambre où pour assurer une meilleure isolation phonique (il n’y a ainsi pas de bruit dans le séjour) on a préféré une dalle de béton armé.

La cuisine a été aménagée dans le fournil où le petit four à pain a été reconstitué.
La maison était construite directement sur la roche et le sol était par trop irrégulier pour la conserver telle. Les anciens qui l’habitaient n’avaient sans doute pas de meubles car seul le devant des cheminées était plan.
Il a donc fallu faire sauter la roche avant de poser le carrelage sur un mortier de sable et de chaux.
Ce sauvetage paraît à nos yeux d’hommes du 21è siècle pousser jusqu’à ses limites le travail délicat de restauration à l’identique de la maison rurale ancienne, sans sacrifier un instant le confort. Tous les détails de cette architecture simple et pourtant si complexe et si difficile à restituer ont été pris en compte — une architecture sans architecte… restituée par un architecte. Il allait de soi que ce travail minutieux avait toutes les raisons de recevoir un prix au concours Maisons Paysannes de France.

Propos de l’architecte

Pour qu’un projet de restauration soit mené à bien, je ne répéterai jamais assez qu’il faut une équipe d’artisans de qualité.

Ainsi, malgré mon plus grand désir défaire revivre cet ancien et authentique mas caussenard, voué à disparaître définitivement sous la végétation, rien n’aurait pu se faire sans eux.
Au travail de l’architecte pour lutter contre la banalisation de la construction neuve (actuellement entre les mains des constructeurs-promoteurs) et rechercher une meilleure qualité environnementale dans les proportions et la volumétrie, s’ajoute la compétence de chaque artisan qui participe à la restauration.
C’est tout un art de choisir la pierre, de la maçonner dans le respect des anciennes techniques, de reconstruire des toits anciens à l’identique, de veiller à l’aspect des matériaux de couverture comme à la couleur des enduits.
Je tiens donc à leur rendre hommage, ce prix René Fontaine récompense aussi leur travail.