Moulin de la Ramée (1964-1971)

Client

Habitation personnelle

Superficie

Moulin à eau du XVIIIe siècle

Situation

Jauchelette en Hesbaye (Belgique)

Période

1964-1971

Au départ de la capitale, quarante kilomètres de campagne brabançonne. Et puis c’est là.

Un chemin presque discret qui descend un peu, à l’ombre d’une des plus belles fermes de Belgique. C’est le Moulin de La Ramée où vous êtes accueilli par les courbes comiques des dindons et les parlottes des ânes. Ou aussi par les aboiements effrayants d’un berger irlandais « qui mangerait bien son homme » comme dit sa maîtresse et qui connaît le goût des jambes du facteur. C’est dire qu’au Moulin, il vaut mieux arriver en ami.

C’est là qu’un jeune architecte, Henri Lust, a choisi de vivre mieux, de cacher son bonheur familial, entouré de sa femme et de ses quatre enfants qui ont la chance d’ignorer la vie des villes. Quand on parle aux propriétaires de leur moulin, c’est la chance qu’ils invoquent d’ailleurs. parce qu’il a  quelque chose de rare et qu’il serait sans doute introuvable aujourd’hui. Jusqu’il y a deux ans, ils habitaient une maison, jolie, confortable, qui avait bien des qualités. Mais aux yeux de ses occupants, il lui manquait l’essentiel : on n’y pouvait guère héberger des bêtes.
Or, ils voulaient des bêtes, beaucoup et de toutes sortes. C’est alors qu’ils firent part à quelques notaires brabançons de leur rêve. Quelque chose qui, vous allez le voir, paraît impossible à trouver.

Nous voulions que ce soit grand, de préférence un ancien moulin, avec des dépendances (pour les bêtes), du terrain tout autour, une rivière si possible. Ce doit être calme, assez loin du XXe s, pour que ce soit viable”.
Ils avaient aussi précisé leurs conditions qui n’étaient pas celles de millionnaires en quête de retour à la terre. Rien de plus, rien de moins, on vous l’assure.

Et ce moulin, il y a deux ans exactement, on le leur a trouvé. Un notaire de l’endroit leur a présenté un beau matin, le Moulin de La Ramée, ancienne dépendance de l’Abbaye du même nom. Son âge ? On ne le sait pas exactement, mais les cartes locales du XVIIIe s. le renseignent déjà. L’eau de la roue et le meules s’étaient tues peu avant la guerre de 1940. Il était totalement abandonné depuis 1958. Six ans laissé aux herbes folles, à l’humidité, au froid. Et pas d’électricité.
Mais peu importait aux nouveaux propriétaires : ils avaient leur moulin. Et tant pis s’il fallait s’éclairer au pétrole.

La cuisine est un ancien trou à charbon.

Et l’eau du moulin y passait en toute liberté. De cela, il a fallu faire une cuisine équipée pour nourrir six personnes. Ce n’était pas facile et la cuisine n’est d’ailleurs pas encore terminée, mais je connais bien des ménagères qui seraient ravies d’y travailler.
Le living, géant et monacal,  a été “aéré” par l’ouverture du plafond qui découvre à l’étage, une immense pièce et une galerie en soupente, l’ensemble réchauffé par des poutres d’origine, admirables. Les fenêtres, nombreuses et pas très grandes, renforcent encore cette véritable atmosphère de prieuré. Au sol du rez-de-chaussée, des dalle de Tournai, peu onéreuses. C’est une terre cuite facile à entretenir, que l’on passe à la polissure, infiniment plus facile à traiter que la cire. En voulez-vous la recette ? Il s’agit d’un mélange de gomme arabique et d’alcool à brûler. Le résultat ? Satiné à souhait, indifférent aux traces de pas. Pour la pièce-galerie du premier étage, on a choisie un plancher en sapin dont les nœuds, loin d’être des défauts, doivent être considérés  au contraire comme très décoratifs. Entretien ? Huile de lin et cire.
Avant d’atteindre cette immense pièce à vivre, il y a l’entrée : un couloir d’un bon mètre et qui, curieusement, prend un petit air chinois : murs rouges et portes toutes noires, toutes brillantes.

Les murs du living sont d’un vrai blanc de chaux. Ponctué par les poutres claires disposées parfois en caissons, rehaussé par le pavement coloré, éclairé par les tombées de lumière que dispensent les fenêtres étroites découpées en carreaux bien sages. Je vous l’ait dit, c’est monacal, incroyablement serein. Mais ceux qui craindraient y trouver la raideur auraient tort.

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L’ancien et le contemporain font bon ménage.

Le living est décoré sobrement, sans fioritures ni agaceries pour le regard. Deux vedettes : le piano à queue et …. le confort.
Des fauteuils vous tendent les bras, entourés de tables basses. Tous les meubles rassemblés là sont de famille. On n’a pas craint cependant de les faire voisiner avec deux sièges typiquement d’aujourd’hui : cuir noir et bois exotique. Cela est fait avec tant de doigté que personne ne pourrait trouver l’association choquante. Et puis, ce qui frappe dans ce living, c’est cette incroyable sensation d’espace. On respire, on se sent libre d’aller, venir. Que l’on fasse les cent pas ou que l’on soit très maladroit, on ne risque pas de gêner un voisin, il ne faut jamais s’aplatir pour laisser passer quelqu’un. Quand on habite un appartement citadin, où la place est mesurée au centimètre carré, il y a de quoi rêver. Ici, toute la pièce est aussi vaste qu’un appartement moyen.

La partie la plus basse de plafond est dédiée au coin à manger. Table ronde, intimité et…facilité : un passe-plat le relie directement à la cuisine. Et pour le regard qui erre : l’aquarium, lumineux, encastré à vif le mur d’en face, paysage sans cesse mouvant de la faune et de la flore aquatique.

Empruntons maintenant l’escalier de bois brut qui mène à la pièce-galerie. Dans le fond, une surprise : les lignes nettes, longues et pures d’une chambre à coucher dépouillée, lisse, nordique. Meubles immenses, lit bas s’appuyant sur un long panneau mural. On retrouve ici, mais sur une autre note, cette rigueur commune à toute la maison. Pardon, à tout le moulin. Et sous la soupente, c’est le coin des enfants. Un coin où l’on peut tout faire, où les grands ne viennent pas gêner, où on a de la place pour courir, sauter à la corde si l’on veut, construire, démolir. Une fois encore, je fais le rapprochement avec l’enfant des villes qui se cogne le nez aux meubles, se sent gêné aux entournures. Décidément, le bonheur, c’est aussi une question de mètres carrés, surtout quand on a moins de l’âge de raison.

Une porte conduit à la partie la plus ancienne du moulin, celle qui dit bonjour au jardin. Les pièces se succèdent sans se ressembler. C’est là que logent les enfants dans des décors créés par maman. Murs tendus de tissus, couvre-lits assortis et à chaque chambre sa personnalité. Malheureusement, comme ces travaux ne sont pas encore terminés, c’est un endroit interdit au photographe.

Une existence (presque) en économie fermée.

Je n’ai pas encore parlé du jardin. Depuis la terrasse dallée, la pelouse descend tranquillement vers la rivière. Une rivière qui chante, avec une cascade, et où il y a du poisson.. Et tout autour, les dépendances avec la chèvre, son époux et leur fils, le chevreau, avec le mouton dont la laine commence à être très très longue.
Les enfants, eux, ont oublié le goût du lait de vache : le lait de chèvre, c’est tellement meilleur.
Et pour donner encore plus de vie à cette maison, il y a les pintades, les dindons, les oies, les poules et le coq. Utile réveil-matin pour les maîtres de maison qui s’occupent de cette véritable petite ferme.

Un peu plus loin, c’est le fournil dont le four à pain sera bientôt remis en service. Car au Moulin, on entend bien se passer au maximum des autres ; on y cuira le pain, on y fait déjà la pâtisserie, on y mange que des œufs du matin. Et peut-être qu’un jour, (bien que le courant ait été installé), on y fera aussi sa propre électricité avec l’eau de la chute. Le moulin, toujours.

J’ai oublié de vous dire que dans les poutres du living se cache un nid d’hirondelles. Dès le mois d’avril, une lucarne reste grande ouverte jusqu’à la fin de l’été. Et chaque année, elles reviennent au printemps. Y retrouver leur logis. Y retrouver un paradis chez les hommes.

Article paru dans la Revue « LIBELLE » du 16 mai 1966 par Sabine Kirhove.
“DES MAISONS DE CAMPAGNE OUVRENT LEURS PORTES”

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Situation : sur la grande Ghete, chute de 1,68m

Dénomination : s’est appelé Moulin Lesage vers 1870

Destination : moulin à farine

Histoire : il existait avant 1216 quand Gérard, Seigneur de Jauche le donna à l’Abbaye. Jadis, il était banal.
En 1686, le produit annuel et imposable était de 216 florins.
En 1787, on l’affermait pour 280 florins à ce moment, il fut vendu avec 12 bonniers 3 journaux de terres pour 13 750 francs.

Propriétaires :
1216 : Hubert Joseph Colsoul
? : Famille Lesage
1872 : les héritiers Constant
Vers 1940 : Godfroid Pens – locataire
1960 : les occupants sont les “Pens”
1964 : l’architecte Henri Lust
1968 : Alain Jooris