Au gré des saisons la Cormière est un domaine qui vit et respire dans une harmonie singulière, comme si les matériaux qui le compose avaient gardé leur lien originel avec la nature.
L’œuf de la Cormière.
Un matin d’août, après une soirée mouvementée et longue et une nuit courte, la sonnerie du réveil me rappelle mon rendez-vous, dans une heure, à la Cormière.
Bougon, pas bien réveillé, le ventre vide et pour cause ; nous allons prendre un brunch !L’humeur maussade est tempérée par une route ravissante Après avoir longé le Célé, petite rivière qui se jette dans le Lot, c’est le causse : ses murets de pierres, la végétation difficile, les couleurs, les lumières, les odeurs ; je ralentis, c’est l’entrée de la propriété. Et là, tout change imperceptiblement, c’est la décontraction, l’inorganisation, l’impression d’improvisation de la nature orchestrée, les murs sont refaits, juste ce qu’il faut ; les sous-bois sont nettoyés par les moutons : je m’arrête, et essaie de voir le brocart de service ; il n’est pas là ; repars et tout a coup c’est l’extase.
On a bien fait d’écouter le réveil, quel spectacle ! Une colline, trois versants, un immense espace de ciel, une grande grange, ici une petite maison là. Puis deux magnifiques vieux arbres ; dont l’un a un grand œil bleu magique, en effet le tronc est percé en forme d’œil, et au travers le ciel bleu se détache, on le croyait mort, irrécupérable ; des soins attentifs l’ont sauvé. Je le salue comme d’habitude ; un vent frais faisant bouger légèrement ses feuilles, comme un remerciement d’avoir pensé à lui dans cette nouvelle.
Mais ou est notre œuf de la Cormière ? Nous avançons dans la prairie et près d’une maisonnette voisine de la demeure principale, quelle joie : une table est dressée. Une merveille de beauté : une vaisselle impeccable, des fruits, des confitures, du beurre sale dans de petits pots blancs, du jambon, du saucisson ; mille choses différentes, mais où est l’œuf ? Les maîtres de maison nous reçoivent chaleureusement, comme d’habitude : on s’assoit, on devise. Point d’œuf ; un léger vent froid me fait mettre mon vieux pull.
Devant moi, un petit pot en faïence décorée et magnifiquement surmonté par un couvercle en métal qui scintille. C’est la surprise, c’est lui ; délicatement notre hôtesse nous ouvre à chacun notre pot. D’abord l’odeur, la truffe noire de la maison découpée savamment en petits, moyens, et gros morceaux ; puis les couleurs : le jaune, le blanc, qui tranchent avec le noir. Mes doigts se rapprochent, saisissent le pot. une chaleur douce se dégage, j’engage la petite cuillère qui rompt cette harmonie, c’est un moelleux, c’est tiède, ça fond dans la bouche, un petit morceau de baguette du matin encore chaude S’accompagne ; c’est grandiose. Une hirondelle virevolte, entre par la fenêtre du salon, le traverse, ressort par la baie vitrée ouverte, et puis plus loin, trois poulettes, vont cahin-caha, se mirent dans la glace du salon ; repartent.
Que tout cela est bien beau à la Cormière. Le deuxième palais, comme dans une dégustation de grands crus, est bien là. le fruité de l’œuf mollet, le craquant de la baguette, le sous-bois de la truffe ; le vent légèrement frais, la chaleur résiduelle de la faïence, quelle joie !
Un grand merci a Henri et à Jacqueline. Une pierre blanche.
Noël Bohy
AGRANDIR POUR CRÉER UNE CUISINE, par l’Architecte Henri Lust
EXTRAIT DU LIVRE « MAISONS DE PAYS » EN QUERCY,
par Annick Stein, édité chez ARTAUD en l’an 2000.
Cet agrandissement a été travaillé à partir d’éléments existants et réalisé dans un respect scrupuleux du site et de l’habitat ancien quercinois.
Il s’agissait, en partant d’une ancienne fourniol (l’appentis traditionnel du four à pain) couverte en tuiles canal et de son four recouvert de lauzes, de créer un nouvel espace, une cuisine fonctionnelle moderne.
Extérieurement, le volume de l’appentis, qui s’appuie sur le pignon de la maison et le four à pain reconstruit, semble être là depuis toujours et rien ne signale qu’il s’agit d’une cuisine.
Pourtant des travaux importants ont été engagés, où la réussite reposait sur la justesse des proportions – pente de toit par rapport au pignon de la maison, hauteur de la cheminée avec dalles et plots de pierre, qualité de l’appareillage des murs et dimensions réduites ds ouvertures.
Une ensemble de choix où chaque élément avait de l’importance pour l’équilibre général.
Le mur pignon aveugle a donc été percé, et les pièces réutilisées pour construire une voûte sur un coffrage de bois et recréer la souillarde traditionnelle en pierre debout maçonnée, l’élément si caractéristique des maisons quercinoises anciennes. Mais la souillards n’était pas tout à fait assez grande et l’espace cuisine en pierre a été prolongé par un plafond en solives et un plancher, si bien que l’ensemble donne une surface confortable où tous les équipements trouvent leur place.
Le four à pain n’est pas un décor artificiel, sa voûte restaurée lui redonne sa fonction primitive, on peut y faire du pain.
Intérieurement, rien n’a été sacrifié à l’aménagement extrêmement « technique » d’une cuisine contemporaine. Son plan en « u » est commode pour l’économie des pas et des gestes. Elle est bien éclairée, malgré la taille modeste des ouvertures – quatre petits fenestrous toujours présents dans les souillardes qui permettent de surveiller l’accès de la maison, de voir à l’extérieur…sans être vu, plus une petit fenêtre protégée par un contrevent. Cette fenêtre est en effet importante, car elle peut être ouverte lorsque le four à pain fonctionne. La combustion demande beaucoup d’air, si elle était insuffisante par manque de tirage, la cuisine serait envahie par la fumée…et toute la maison avec !
Le plan cuisson positionné sous une large hotte à tirage naturel (fermée par une plaque modulable) utilise la cheminée du four à pain pour évacuer les fumées et vapeurs produites par un équipement important – gril, plaque électrique et gaz, chauffe-plat, barbecue et four à pain.
Un grand évier de belle proportion, bien éclairé par la fenêtre, a été taillé et évidé dans un bloc de pierre calcaire (pierre de Thémines).
Les machines sont encastrées et dissimulées derrière des portes en tôle brute, avec des fermetures réalisées par un ferronnier. L’harmonie est ainsi totale entre le métal, le sol de terre cuite ancienne faite à la main, la pierre claire et la brique.
Pas de cuisine quercynoise sans bon vin, donc de cave. Il n’y en avait pas dans un ancien mas construit sur le rocher. Une cave voûtée a été creusée directement dans le roc, sous la cuisine ; on y accède par une trappe et une échelle de meunier.